Loi nº 91-646 du 10 juillet 1991 modifiée, relative au secret des correspondances émises par la voie des télécommunications

L'Assemblée nationale et le Sénat ont adopté,

Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit:

Article 1er. – Le secret des correspondances émises par la voie des télécommunications est garanti par la loi.

Il ne peut être porté atteinte à ce secret que par l'autorité publique, dans les seuls cas de nécessité d'intérêt public prévus par la loi et dans les limites fixées par celle-ci.

TITRE Ier.- DES INTERCEPTIONS ORDONNEES PAR L'AUTORITE JUDICIAIRE


Article 2. – Dans le chapitre Ier du titre III du livre Ier du code de procédure pénale:

I. – L'intitulé de la section III devient “Des transports, des perquisitions, des saisies et des interceptions de correspondances émises par la voie des télécommunications”;

II. – Il est créé dans la même section III une sous-section 1 intitulée “Des transports, des perquisitions et des saisies” comprenant les articles 92 à 99;

III. – Il est créé dans la même section III une sous-section II intitulée “Des interceptions de correspondances émises par la voie des télécommunications” comprenant les articles 100 à 100-7 ainsi rédigés:

“Article 100. – En matière criminelle et en matière correctionnelle, si la peine encourue est égale ou supérieure à deux ans d'emprisonnement, le juge d'instruction peut, lorsque les nécessités de l'information l'exigent, prescrire l'interception, l'enregistrement et la transcription de correspondances émises par la voie des télécommunications. Ces opérations sont effectuées sous son autorité et son contrôle.

“La décision d'interception est écrite. Elle n'a pas de caractère juridictionnel et n'est susceptible d'aucun recours.

Article 100-1. – La décision prise en application de l'article 100 doit comporter tous les éléments d'identification de la liaison à intercepter, l'infraction qui motive le recours à l'interception ainsi que la durée de celle-ci.

Article 100-2 – Cette décision est prise pour une durée maximum de quatre mois. Elle ne peut être renouvelée que dans les mêmes conditions de forme et de durée.

Article 100-3. – Le juge d'instruction ou l'officier de police judiciaire commis par lui peut requérir tout agent qualifié d'un service ou organisme placé sous l'autorité ou la tutelle du ministre chargé des télécommunications ou tout agent qualifié d'un exploitant de réseau ou fournisseur de services de télécommunications autorisé, en vue de procéder à l'installation d'un dispositif d'interception.

Article 100-4. – Le juge d'instruction ou l'officier de police judiciaire commis par lui dresse procès-verbal de chacune des opérations d'interception et d'enregistrement. Ce procès-verbal mentionne la date et l'heure auxquelles l'opération a commencé et celles auxquelles elle s'est terminée.

“Les enregistrements sont placés sous scellés fermés.

Article 100-5. – Le juge d'instruction ou l'officier de police judiciaire commis par lui transcrit la correspondance utile à la manifestation de la vérité. Il en est dressé procès-verbal. Cette transcription est versée au dossier.

“Les correspondances en langue étrangère sont transcrites en français avec l'assistance d'un interprète requis à cette fin.

Article 100-6. – Les enregistrements sont détruits, à la diligence du procureur de la République ou du procureur général, à l'expiration du délai de prescription de l'action publique.

“Il est dressé procès-verbal de l'opération de destruction.” “Article 100-7. – Aucune interception ne peut avoir lieu sur une ligne dépendant du cabinet d'un avocat ou de son domicile sans que le bâtonnier en soit informé par le juge d'instruction.” 

TITRE II.- DES INTERCEPTIONS DE SECURITE


Article 3. –
Peuvent être autorisées, à titre exceptionnel, dans les conditions prévues par l'article 4, les interceptions de correspondances émises par la voie des télécommunications ayant pour objet de rechercher des renseignements intéressant la sécurité nationale, la sauvegarde des éléments essentiels du potentiel scientifique et économique de la France, ou la prévention du terrorisme, de la criminalité et de la délinquance organisées et de la reconstitution ou du maintien de groupements dissous en application de la loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et les milices privées.

Article 4. – L'autorisation est accordée par décision écrite et motivée du Premier ministre ou de l'une des deux personnes spécialement déléguées par lui. Elle est donnée sur proposition écrite et motivée du ministre de la défense, du ministre de l'intérieur ou du ministre chargé des douanes, ou de la personne que chacun d'eux aura spécialement déléguée.

Le Premier ministre organise la centralisation de l'exécution des interceptions autorisées.

Article 5. – Le nombre maximum des interceptions susceptibles d'être pratiquées simultanément en application de l'article 4 est arrêté par le Premier ministre.

La décision fixant ce contingent et sa répartition entre les ministères mentionnés à l'article 4 est portée sans délai à la connaissance de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité.

Article 6. – L'autorisation mentionnée à l'article 3 est donnée pour une durée maximum de quatre mois. Elle cesse de plein droit de produire effet à l'expiration de ce délai. Elle ne peut être renouvelée que dans les mêmes conditions de forme et de durée.

Article 7. – Dans les correspondances interceptées, seuls les renseignements en relation avec l'un des objectifs énumérés à l'article 3 peuvent faire l'objet d'une transcription.

Cette transcription est effectuée par les personnels habilités.

Article 8. – Il est établi, sous l'autorité du Premier ministre, un relevé de chacune des opérations d'interception et d'enregistrement. Ce relevé mentionne la date et l'heure auxquelles elle a commencé et celles auxquelles elle s'est terminée.

Article 9. – L'enregistrement est détruit sous l'autorité du Premier ministre, à l'expiration d'un délai de dix jours au plus tard à compter de la date à laquelle il a été effectué.

Il est dressé procès-verbal de cette opération.

Article 10. – Sans préjudice de l'application du deuxième alinéa de l'article 40 du code de procédure pénale, les renseignements recueillis ne peuvent servir à d'autres fins que celles mentionnées à l'article 3.

Article 11. – Les opérations matérielles nécessaires à la mise en place des interceptions dans les locaux et installations des services ou organismes placés sous l'autorité ou la tutelle du ministre chargé des télécommunications ou des exploitants de réseaux ou fournisseurs de services de télécommunications autorisés ne peuvent être effectuées que sur ordre du ministre chargé des télécommunications ou sur ordre de la personne spécialement déléguée par lui, par des agents qualifiés de ces services, organismes, exploitants ou fournisseurs dans leurs installations respectives. 

Article 12. – Les transcriptions d'interceptions doivent être détruites dès que leur conservation n'est plus indispensable à la réalisation des fins mentionnées à l'article 3.

Il est dressé procès-verbal de l'opération de destruction.

Les opérations mentionnées aux alinéas précédents sont effectuées sous l'autorité du Premier ministre.

Article 13. – Il est institué une Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité. Cette commission est une autorité administrative indépendante. Elle est chargée de veiller au respect des dispositions du présent titre. Elle est présidée par une personnalité désignée, pour une durée de six ans, par le Président de la République, sur une liste de quatre noms établie conjointement par le vice-président du Conseil d'Etat et le premier président de la Cour de cassation.

Elle comprend, en outre:

Un député désigné pour la durée de la législature par le président de l'Assemblée nationale;

Un sénateur désigné après chaque renouvellement partiel du Sénat par le président du Sénat.

La qualité de membre de la commission est incompatible avec celle de membre du Gouvernement.

Sauf démission, il ne peut être mis fin aux fonctions de membre de la commission qu'en cas d'empêchement constaté par celle-ci.

Le mandat des membres de la commission n'est pas renouvelable.

En cas de partage des voix, la voix du président est prépondérante.

Les agents de la commission sont nommés par le président.

Les membres de la commission désignés en remplacement de ceux dont les fonctions ont pris fin avant leur terme normal achèvent le mandat de ceux qu'ils remplacent. A l'expiration de ce mandat, par dérogation au septième alinéa ci-dessus, ils peuvent être nommés comme membre de la commission s'ils ont occupé ces fonctions de remplacement pendant moins de deux ans.

Les membres de la commission sont astreints au respect des secrets protégés par les articles 75 et 378 du Code pénal pour les faits, actes ou renseignements dont ils ont pu avoir connaissance en raison de leurs fonctions.
La commission établit son règlement intérieur.

Article 14. – La décision motivée du Premier ministre mentionnée à l'article 4 est communiquée dans un délai de quarante-huit heures au plus tard au président de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité.

Si celui-ci estime que la légalité de cette décision au regard des dispositions du présent titre n'est pas certaine, il réunit la commission, qui statue dans les sept jours suivant la réception par son président de la communication mentionnée au premier alinéa.

Au cas où la commission estime qu'une interception de sécurité a été autorisée en méconnaissance des dispositions du présent titre, elle adresse au Premier ministre une recommandation tendant à ce que cette interception soit interrompue.

Elle porte également cette recommandation à la connaissance du ministre ayant proposé l'interception et du ministre chargé des télécommunications.

La commission peut adresser au Premier ministre une recommandation relative au contingent et à sa répartition visés à l'article 5.

Le Premier ministre informe sans délai la commission des suites données à ses recommandations.

Article 15. – De sa propre initiative ou sur réclamation de toute personne y ayant un intérêt direct et personnel, la commission peut procéder au contrôle de toute interception de sécurité en vue de vérifier si elle est effectuée dans le respect des dispositions du présent titre.

Si la commission estime qu'une interception de sécurité est effectuée en violation des dispositions du présent titre, elle adresse au Premier ministre une recommandation tendant à ce que cette interception soit interrompue.
Il est alors procédé ainsi qu'il est indiqué aux quatrième et sixième alinéas de l'article 14.

Article 16. – Les ministres, les autorités publiques, les agents publics doivent prendre toutes mesures utiles pour faciliter l'action de la commission.

Article 17. – Lorsque la commission a exercé son contrôle à la suite d'une réclamation, il est notifié à l'auteur de la réclamation qu'il a été procédé aux vérifications nécessaires.

Conformément au deuxième alinéa de l'article 40 du code de procédure pénale, la commission donne avis sans délai au procureur de la République de toute infraction aux dispositions de la présente loi dont elle a pu avoir connaissance à l'occasion du contrôle effectué en application de l'article 15.

Article 18. – Les crédits nécessaires à la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité pour l'accomplissement de sa mission sont inscrits au budget des services du Premier ministre.
Le président est ordonnateur des dépenses de la commission.

Article 19. – La commission remet chaque année au Premier ministre un rapport sur les conditions d'exercice et les résultats de son activité, qui précise notamment le nombre de recommandations qu'elle a adressées au Premier ministre en application de l'article 14 et les suites qui leur ont été données. Ce rapport est rendu public.

Elle adresse, à tout moment, au Premier ministre les observations qu'elle juge utiles.

TITRE III.- DISPOSITIONS COMMUNES


Article 20. – Les mesures prises par les pouvoirs publics pour assurer, aux seules fins de défense des intérêts nationaux, la surveillance et le contrôle des transmissions empruntant la voie hertzienne ne sont pas soumises aux dispositions des titres Ier et II de la présente loi.

Article 21. – Dans le cadre des attributions qui lui sont conférées par le livre II du code des postes et télécommunications, le ministre chargé des télécommunications veille notamment à ce que l'exploitant public, les autres exploitants de réseaux publics de télécommunications et les autres fournisseurs de services de télécommunications autorisés prennent les mesures nécessaires pour assurer l'application des dispositions de la présente loi.

Article 22. – Les juridictions compétentes pour ordonner des interceptions en application du code de procédure pénale ainsi que le Premier ministre ou, en ce qui concerne l'exécution des mesures prévues à l'article 20, le ministre de la défense ou le ministre de l'intérieur, peuvent recueillir, auprès des personnes physiques ou morales exploitant des réseaux de télécommunications ou fournisseurs de services de télécommunications les informations ou documents qui leur sont nécessaires, chacun en ce qui le concerne, pour la réalisation et l'exploitation des interceptions autorisées par la loi.

La fourniture des informations ou documents visés à l'alinéa précédent ne constitue pas un détournement de leur finalité au sens de l'article 44 de la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

Article 23. – Les exigences essentielles définies au 12o de l'article L. 32 du code des postes et télécommunications et le secret des correspondances mentionné à l'article L. 32-3 du même code ne sont opposables ni aux juridictions compétentes pour ordonner des interceptions en application de l'article 100 du code de procédure pénale, ni au ministre chargé des télécommunications dans l'exercice des prérogatives qui leur sont dévolues par la présente loi.

Article 24. – L'article 371 du Code pénal est ainsi rédigé:

“Article 371. – Une liste des appareils conçus pour réaliser les opérations pouvant constituer l'infraction prévue à l'article 186-1 et des appareils qui, conçus pour la détection à distance des conversations, permettent la réalisation de l'infraction prévue à l'article 368, sera établie dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.

“Les appareils figurant sur la liste ne pourront être fabriqués, importés, détenus, exposés, offerts, loués ou vendus qu'en vertu d'une autorisation ministérielle dont les conditions d'octroi seront fixées par le même décret. “Est interdite toute publicité en faveur d'un appareil susceptible de permettre la réalisation des infractions prévues, selon le cas, aux articles 186-1 ou 368, lorsqu'elle constitue une incitation à commettre ces infractions.
“Sera puni des peines prévues, selon le cas, aux articles 186-1 ou 368 quiconque aura contrevenu aux dispositions des alinéas précédents.” 

Article 25. – I. – Il est ajouté, après l'article 186 du Code pénal, un article 186-1 ainsi rédigé:

“Article 186-1. – Tout dépositaire ou agent de l'autorité publique, tout agent de l'exploitant public des télécommunications, tout agent d'un autre exploitant de réseau de télécommunications autorisé ou d'un autre fournisseur de services de télécommunications qui, agissant dans l'exercice de ses fonctions ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, aura ordonné, commis ou facilité, hors les cas prévus par la loi, l'interception ou le détournement des correspondances émises, transmises ou reçues par la voie des télécommunications, l'utilisation ou la divulgation de leur contenu, sera puni d'un emprisonnement de trois mois à cinq ans et d'une amende de 5000 F à 100000 F.

Hors les cas prévus à l'alinéa ci-dessus, sera puni d'un emprisonnement de six jours à un an et d'une amende de 5000 F à 100000 F ou de l'une de ces deux peines seulement quiconque aura, de mauvaise foi, procédé à l'installation des appareils conçus pour réaliser des interceptions, intercepté, détourné, utilisé ou divulgué des correspondances émises, transmises ou reçues par la voie des télécommunications.”

II. – L'article L.41 du code des postes et télécommunications est ainsi rédigé:

“Article L.41. – Tout agent de l'exploitant public, tout agent d'un exploitant de réseau de télécommunications autorisé ou d'un fournisseur de services de télécommunications qui viole le secret des correspondances émises par la voie des télécommunications est puni des peines mentionnées à l'article 186-1 du Code pénal.”

III. – L'article L.42 du code des postes et télécommunications est abrogé.

Article 26. – Sera punie des peines mentionnées à l'article 378 du Code pénal toute personne qui, concourant dans les cas prévus par la loi à l'exécution d'une décision d'interception de sécurité, révélera l'existence de l'interception.

Article 27. – La présente loi entrera en vigueur le 1er octobre 1991.

La présente loi sera exécutée comme loi de l'Etat.

Fait à Paris, le 10 juillet 1991.

FRANCOIS MITTERRAND Par le Président de la République:

Le Premier ministre, EDITH CRESSON

Le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, PIERRE BEREGOVOY

Le garde des sceaux, ministre de la justice, HENRI NALLET

Le ministre de la défense, PIERRE JOXE

Le ministre de l'intérieur, PHILIPPE MARCHAND

Le ministre délégué au budget, MICHEL CHARASSE

Le ministre délégué aux postes et télécommunications, JEAN-MARIE RAUSCH

Le ministre délégué à la justice, MICHEL SAPIN

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