Loi du 11 mars 2003 sur certains aspects juridiques des services de la société de l'information

ALBERT II, Roi des Belges,

A tous, présents et à venir, Salut.

Les Chambres ont adopté et Nous sanctionnons ce qui suit :

 

Article 1er.

La présente loi règle une matière visée à l’article 77 de la Constitution.

Elle transpose les dispositions de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur.

Article  2.

§ 1er. Aux conditions énoncées aux §§ 2 à 5, le Roi fixe, par dérogation aux dispositions de l’article 5 de la loi du 11 mars 2003 sur certains aspects juridiques des services de la société de l’information, les modalités selon lesquelles les autorités qu’Il désigne peuvent prendre des mesures spécifiques restreignant la libre circulation d’un service de la société de l’information fourni par un prestataire établi dans un autre Etat membre de l’Union européenne.

§ 2. Les mesures visées aux §§ 1er et 6 doivent être :

1° nécessaires pour une des raisons suivantes :

– l’ordre public, en particulier la prévention, les investigations, la détection et les poursuites en matière pénale, notamment la protection des mineurs et la lutte contre l’incitation à la haine pour des raisons de race, de sexe, de religion ou de nationalité et contre les atteintes à la dignité de la personne humaine,

– la protection de la santé publique,

– la sécurité publique, y compris la protection de la sécurité et de la défense nationales,

– la protection des consommateurs, y compris des investisseurs;

2° adoptées à l’égard d’un service de la société de l’information qui porte atteinte aux objectifs visés au 1° ou qui présente un risque sérieux et grave d’atteinte à ces objectifs;

3° proportionnelles à ces objectifs.

 

§ 3. Sans préjudice de la procédure judiciaire, y compris les actes accomplis dans le cadre d’une information ou d’une instruction judiciaires, les autorités visées au § 1er doivent préalablement à l’adoption de toute mesure, demander à l’Etat membre sur le territoire duquel est établi le prestataire concerné de prendre les dispositions nécessaires à la sauvegarde des objectifs visés au § 2, 1°.

§ 4. A défaut pour l’Etat membre concerné de donner suite à cette demande ou de prendre des mesures suffisantes, les autorités visées au § 1er en avisent le juge d’instruction de l’arrondissement judiciaire de Bruxelles.

Elles notifient au préalable leur intention à la Commission européenne ainsi qu’à cet Etat membre.

§ 5. En cas d’urgence, et aux conditions énoncées au § 2, les autorités visées au § 1er peuvent en aviser immédiatement le juge d’instruction, à condition qu’elles notifient ce fait dans les plus brefs délais à la Commission européenne ainsi qu’à l’Etat membre concerné.

§ 6. Le juge d’instruction, lorsqu’il est avisé par les autorités visées au § 1er, conformément aux dispositions du § 2 et des §§ 4 ou 5, peut, par ordonnance motivée, enjoindre aux prestataires, lorsqu’ils sont en mesure de le faire, de suspendre, dans les limites et pour la durée qu’il détermine et qui ne peut excéder un mois, la mise à la disposition du prestataire établi dans un autre Etat membre de l’Union européenne, de la technique de communication utilisée pour la réalisation des agissements qui mettent en péril ou qui risquent de mettre en péril la sauvegarde des objectifs visés au § 2, 1°.

Le juge d’instruction peut prolonger une ou plusieurs fois les effets de son ordonnance; il doit y mettre fin dès que les circonstances qui l’ont justifiée ont disparu.

Article  3.

§ 1er. Le président du tribunal de première instance constate l’existence et ordonne la cessation d’un acte, même pénalement réprimé, constituant une infraction aux dispositions de la loi du 11 mars 2003 sur certains aspects juridiques des services de la société de l’information.

Par dérogation à l’alinéa précédent, le président du tribunal de commerce peut constater l’existence et ordonner la cessation d’un acte, même pénalement réprimé, constituant une infraction aux dispositions de la loi précitée lorsque cet acte relève de la compétence du Président du tribunal de commerce telle que définie à l’article 573 du Code judiciaire.

Le président du tribunal compétent peut accorder au contrevenant un délai pour mettre fin à l’infraction ou ordonner la cessation de l’activité. Il peut accorder la levée de la cessation dès qu’il est prouvé qu’il a été mis fin à l’infraction.

Outre la cessation de l’acte litigieux, le président peut ordonner selon la manière qu’il jugera appropriée la publication de tout ou partie du jugement aux frais du contrevenant. Il peut notamment ordonner la publication de son jugement ou du résumé par la voie de journaux ou de toute autre manière. Ces mesures de publicité ne peuvent toutefois être prescrites que si elles sont de nature à contribuer à la cessation de l’acte incriminé.

§ 2. L’action est formée à la demande :

1° des intéressés;

2° du ministre compétent ou des ministres compétents pour la matière concernée;

3° d’une autorité professionnelle, d’un groupement professionnel ou interprofessionnel jouissant de la personnalité civile, d’une mutuelle ou d’une union nationale;

4° d’une association ayant pour but la défense des intérêts des consommateurs et jouissant de la personnalité civile, pour autant qu’elle réponde aux conditions fixées par l’article 98, § 1er, 4°, de la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et sur l’information et la protection du consommateur;

5° d’une entité qualifiée en conformité avec l’article 21, alinéa 2, de la loi du 2 août 2002 relative à la publicité trompeuse et comparative, aux clauses abusives et aux contrats à distance en ce qui concerne les professions libérales.

Par dérogation aux dispositions des articles 17 et 18 du Code judiciaire, les associations et groupements visés aux points 3° et 4° peuvent agir en justice pour la défense de leurs intérêts collectifs statutairement définis.

§ 3. L’action est formée et instruite selon les formes du référé.

Elle peut être introduite par requête contradictoire conformément aux articles 1034ter à 1034sexies du Code judiciaire.

Il est statué sur l’action nonobstant toute poursuite exercée en raison des mêmes faits devant une juridiction pénale.

Le jugement est exécutoire par provision, nonobstant toute voie de recours, et sans caution.

Toute décision est, dans la huitaine, et à la diligence du greffier de la juridiction compétente, communiquée au Ministre qui a les Affaires économiques dans ses attributions, sauf si la décision a été rendue à sa requête. En outre, le greffier est tenu d’informer sans délai le même ministre du recours introduit contre toute décision rendue en application de la présente loi.

Lorsque la décision concerne un prestataire exerc¸ant une profession réglementée relevant d’une autorité professionnelle, elle est, en outre, communiquée à l’autorité professionnelle compétente. De même, le greffier de la juridiction devant laquelle un recours est introduit contre une telle décision est tenu d’en informer sans délai l’autorité professionnelle compétente.

Article  4.

L’article 587 du Code judiciaire, remplacé par la loi du 3 avril 1997 et modifié par les lois des 10 août 1998, 4 mai 1999 et 2 août 2002, est complété comme suit :

” 11° sur les demandes prévues à l’article 3, § 1er, alinéa 1er, de la loi du 11 mars 2003 sur certains aspects juridiques des services de la société de l’information visés à l’article 77 de la Constitution. “

Article  5.

L’article 589 du même Code, remplacé par la loi du 11 avril 1999 et modifié par les lois des 11 avril 1999, 26 mai 2002, 17 juillet 2002, 2 août 2002 et 20 décembre 2002, est complété comme suit :

” 9° à l’article 3, § 1er, alinéa 2, de la loi du 11 mars 2003 sur certains aspects juridiques des services de la société de l’information visés à l’article 77 de la Constitution. “

Promulguons la présente loi, ordonnons qu’elle soit revêtue du sceau de l’Etat et publiée par le Moniteur belge.

Donné à Bruxelles, le 11 mars 2003.

ALBERT

Par le Roi :

Le Ministre de l’Economie,

Ch. PICQUE

Le Ministre de la Justice,

M. VERWILGHEN

Scellé du sceau de l’Etat :

Le Ministre de la Justice,

M. VERWILGHEN

 

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